Цветы зла - читать онлайн книгу. Автор: Шарль Бодлер cтр.№ 60

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Онлайн книга - Цветы зла | Автор книги - Шарль Бодлер

Cтраница 60
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Une, entre autres, à l'heure où le soleil tombant

Ensanglante le ciel de blessures vermeilles,

Pensive, s'asseyait à l'écart sur un banc,


Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,

Dont les soldats parfois inondent nos jardins,

Et qui, dans ces soirs d'or où l'on se sent revivre,

Versent quelque héroïsme au cœur des citadins.


Celle-là, droite encor, fière et sentant la règle,

Humait avidement ce chant vif et guerrier;

Son œil parfois s'ouvrait comme œil d'un vieil aigle;

Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier!


IV

Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,

À travers le chaos des vivantes cités,

Mères au cœur saignant, courtisanes ou saintes,

Dont autrefois les noms par tous étaient cités.


Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,

Nul ne vous reconnaît! Un ivrogne incivil

Vous insulte en passant d'un amour dérisoire;

Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil.


Honteuses d'exister, ombres ratatinées,

Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs;

Et nul ne vous salue, étranges destinées!

Débris d'humanité pour l'éternité mûrs!


Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,

Œil inquiet, fixé sur vos pas incertains,

Tout comme si j'étais votre père, ô merveille!

Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins:


Je vois s'épanouir vos passions novices;

Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus;

Mon cœur multiplié jouit de tous vos vices!

Mon âme resplendit de toutes vos vertus!


Ruines! Ma famille! Ô cerveaux congénères!

Je vous fais chaque soir un solennel adieu!

Où serez-vous demain, Èves octogénaires,

Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu?

XCII
LES AVEUGLES

Contemple-les, mon âme; ils sont vraiment affreux!

Pareils aux mannequins; vaguement ridicules;

Terribles, singuliers comme les somnambules;

Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.


Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,

Comme s'ils regardaient au loin, restent levés

Au ciel; on ne les voit jamais vers les pavés

Pencher rêveusement leur tête appesantie.


Ils traversent ainsi le noir illimité,

Ce frère du silence éternel. Ô cité!

Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles,


Éprise du plaisir jusqu'à l'atrocité,

Vois! Je me traîne aussi! Mais, plus qu'eux hébété,

Je dis: Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles?

XCIII
À UNE PASSANTE

La rue assourdissante autour de moi hurlait.

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d'une main fastueuse

Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;


Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,

La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.


Un éclair… Puis la nuit! — Fugitive beauté

Dont le regard m'a fait soudainement renaître,

Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?


Ailleurs, bien loin d'ici! Trop tard! jamais peut-être!

Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,

Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!

XCIV
LE SQUELETTE LABOUREUR

I

Dans les planches d'anatomie

Qui traînent sur ces quais poudreux

Où maint livre cadavéreux

Dort comme une antique momie,


Dessins auxquels la gravité

Et le savoir d'un vieil artiste,

Bien que le sujet en soit triste,

Ont communiqué la Beauté,


On voit, ce qui rend plus complètes

Ces mystérieuses horreurs,

Bêchant comme des laboureurs,

Des Écorchés et des Squelettes.


II

De ce terrain que vous fouillez,

Manants résignés et funèbres,

De tout l'effort de vos vertèbres,

Ou de vos muscles dépouillés,


Dites, quelle moisson étrange,

Forçats arrachés au charnier,

Tirez-vous, et de quel fermier

Avez-vous à remplir la grange?


Voulez-vous (d'un destin trop dur

Épouvantable et clair emblème!)

Montrer que dans la fosse même

Le sommeil promis n'est pas sûr;


Qu'envers nous le Néant est traître;

Que tout, même la Mort, nous ment,

Et que sempiternellement,

Hélas! Il nous faudra peut-être


Dans quelque pays inconnu

Écorcher la terre revêche

Et pousser une lourde bêche

Sous notre pied sanglant et nu?

XCV
LE CRÉPUSCULE DU SOIR

Voici le soir charmant, ami du criminel;

Il vient comme un complice, à pas de loup; le ciel

Se ferme lentement comme une grande alcôve,

Et l'homme impatient se change en bête fauve.


Ô soir, aimable soir, désiré par celui

Dont les bras, sans mentir, peuvent dire: Aujourd'hui

Nous avons travaillé! - c'est le soir qui soulage

Les esprits que dévore une douleur sauvage,

Le savant obstiné dont le front s'alourdit,

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